Par Ludovic Galtier Lloret Journaliste
Né en Isère entre le tirage de la première boule noire de l'histoire de "Motus" - "Oh-ohohohoh" - et la première visite de candidats à "Fort Boyard", Ludovic Galtier est journaliste à Puremédias depuis octobre 2021. Il est passionné par la politique, l'économie des médias et leur stratégie de programmation.
Sibyle Veil sur France Inter © Christophe Abramowitz - Radio France
"Le Point" a révélé le contenu d'un jugement du conseil de prud'hommes de Paris, selon lequel Amaia Cazenave, dont les accusations de sexisme ont été à l'origine d'une enquête interne à Radio France, a été intégralement déboutée de ses demandes.

L'accusatrice déboutée. Amaia Cazenave, qui avait fait état de plusieurs comportements sexistes à Radio France, où elle officiait depuis juillet 2015, dans le documentaire de Marie Portolano et Guillaume Priou "Je ne suis pas une salope, je suis une journaliste !", a-t-elle dit toute la vérité ?

Amaia Cazenave a "activement contribué à l'ambiance de travail sexiste"

Si un jugement du Conseil de prud'hommes de Paris qu'elle a saisi en mars 2022, un an après sa démission du groupe public, confirme – c'est une information du "Point" – qu''une ambiance de travail sexiste et hostile aux femmes' a été constatée à la direction des sports de Radio France jusqu'en 2019 "et au sein de la radio basque (France Bleu Pays basque, ndlr) tout au long de l'emploi" d'Amaia Cazenave, il insiste aussi sur le fait que la journaliste spécialisée dans le rugby – passée depuis par "Le Parisien" et Canal+ – a "activement et grossièrement contribué à l'ambiance de travail sexiste".

Amaia Cazenave demandait que sa démission soit considérée comme une "prise d'acte ayant les conséquences d'un licenciement nul pour harcèlement moral, harcèlement discriminatoire et sexuel et discrimination" et près de 340.000 euros de dommages et indemnités divers à Radio France. Dans un jugement prononcé le 17 avril 2023 et notifié le 18 septembre, consulté par "Le Point", le conseil a intégralement débouté Amaia Cazenave de ses demandes, les juges considérant que Radio France n'avait commis aucun manquement grave à son encontre.

"Je suis fan de cul"

Dans le documentaire de Marie Portolano, Amaia Cazenave avait notamment rapporté que l'un de ses collègues s'était permis de crier très fort et plusieurs fois dans l'open-space : "J'ai envie de baiser !", alors qu'il se trouvait seul avec elle. "Il y a d'autres fois où je suis arrivée à la rédaction avec du rouge à lèvres et on m'a dit que j'avais une bouche à pipes", témoignait aussi la journaliste, qui avait alerté à deux reprises la cellule de lutte contre les discriminations, expliquait-elle en mars 2021 dans "Le Monde".

Or Amaia Cazenave n'aurait jamais saisi la cellule d'alerte, "semblant se satisfaire du climat délétère auquel elle contribuait", a conclu le conseil de prud'hommes de Paris. Selon les juges, elle "a choisi de quitter le climat apaisé (après le départ de Jacques Vendroux, ndlr) de la direction des sports en juillet 2020 pour rejoindre le climat anormalement sexué de la radio basque qu'elle connaissait parfaitement pour l'avoir déjà subi, tout en y contribuant elle-même".

En effet, le jugement révèle aussi que Amaia Cazenave aurait prononcé des phrases à connotation sexuelle. Celles-ci ont été rapportées par plusieurs de ses collègues et consignées dans le "registre manuscrit des petits mots de la rédaction" : "Si tu passes du Rihanna, je cours nue dans le parking" ; "Je suis fan de cul" ; "Tu la veux comment ton aspirine, en suppo ?" ou encore "Hier, je me suis fait défoncer à Biarritz" sont quelques exemples. Interrogée par "Le Point" sur son intention de faire appel, Amaia Cazenave n'a pas souhaité s'exprimer.

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Quatre blâmes, trois mises à pied, deux licenciements

Dans la foulée de la diffusion de ce film, Radio France avait annoncé diligenter une enquête interne. La direction du groupe public avait annoncé que 80 témoignages avaient été recueillis et concernaient ses antennes locales comme nationales. Au total, ce sont 11 procédures disciplinaires qui ont été lancées, dont cinq au sein de France Bleu Pays basque. L'enquête a donné lieu à 9 sanctions – quatre blâmes, trois mises à pied avec suspension de salaire et deux licenciements.

"Quelqu'un m'avait dit, quand j'ai été injustement convoqué en haut lieu pour cette fausse affaire, 'la vérité finira par triompher'. Ce soir, enfin, je me dis qu'on s'en approche...", a réagi Cédric Lang-Roth, rédacteur en chef de France Bleu Haute-Normandie sur X.