Par Ludovic Galtier Lloret Journaliste
Né en Isère entre le tirage de la première boule noire de l'histoire de "Motus" - "Oh-ohohohoh" - et la première visite de candidats à "Fort Boyard", Ludovic Galtier est journaliste à Puremédias depuis octobre 2021. Il est passionné par la politique, l'économie des médias et leur stratégie de programmation.
La ministre de la Culture a été auditionnée, ce jeudi 21 mars 2024, par la commission d'enquête sur l'attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la TNT.

Rodolphe Saadé, président de la CMA CGM, interviendra-t-il sur la ligne éditoriale de BFMTV et de RMC, qu'il vient de racheter au groupe Altice de Patrick Drahi ? Depuis sa visite dans les locaux parisiens des deux antennes et ses déclarations sur l'indépendance toute relative qu'il laissera aux rédactions quand elles traiteront de l'actualité liée aux activités de son groupe de fret, la question se pose jusqu'à l'Assemblée nationale.

"L'intérêt du groupe ne doit pas impacter l'indépendance de la rédaction"

Lors de l'audition de Rachida Dati ce jeudi 21 mars 2024, Sarah Legrain, députée La France insoumise de Paris, a demandé une réaction de la ministre de la Culture à de tels propos. "La loi garantit l'indépendance au regard du pouvoir économique", a-t-elle d'abord rappelé. "Vous savez très bien que l'intérêt du groupe ne doit pas impacter l'indépendance de la rédaction ou des journalistes", a-t-elle affirmé, renvoyant la députée à la loi Bloche du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

Celle-ci prévoit notamment que "tout journaliste a le droit de refuser toute pression, de refuser de divulguer ses sources et de refuser de signer un article, une émission, une partie d'émission ou une contribution dont la forme ou le contenu auraient été modifiés à son insu ou contre sa volonté. Il ne peut être contraint à accepter un acte contraire à sa conviction professionnelle formée dans le respect de la charte déontologique de son entreprise ou de sa société éditrice", est-il écrit dans le texte.

"Les critères sont très précis s'agissant des journalistes avec le droit d'opposition, cette indépendance notamment sur la cession (...) Peut-être que l'on peut travailler sur les chartes et les comités pour les rendre plus visibles", suggère Rachida Dati. "Mais aujourd'hui, la loi est très claire. L'intérêt de l'actionnaire ne peut pas compromettre l'indépendance du journaliste. Cela est très clair", a-t-elle répété, omettant au passage de porter un jugement sur les propos de l'actionnaire et l'influence qu'ils peuvent avoir sur les futurs arbitrages de la rédaction dans le traitement de l'information. puremedias.com vous propose de visionner la séquence.

"Je ne réagirai pas bien et je le ferai savoir"

Ce mardi 19 mars 2024, au cours d'une rencontre avec les membres de la direction de BFMTV et de RMC ainsi que les représentants des salariés au cours d'un comité social et économique (CSE) extraordinaire, le dirigeant du groupe CMA CGM, nouveau propriétaire d'Altice Médias, a développé auprès des élus sa vision toute relative de l'indépendance de la rédaction vis-à-vis de ses intérêts en tant qu'actionnaire.

À LIRE AUSSI : "Je ne réagirai pas bien et je le ferai savoir" : Rodolphe Saadé, nouveau propriétaire de BFMTV et RMC, répond à la question de l'indépendance des rédactions

Dans le cas hypothétique où les activités de fret de la CMA CGM est plongé dans un scandale et que BFMTV place cette information à la Une, Rodolphe Saadé le dit tout net. "Il faut que l'information existe mais il y a manière et manière. Je ne vous raconterai pas d'histoires (...) Je ne réagirai pas bien et je le ferai savoir", a-t-il reconnu d'après des éléments recueillis par "Challenges" et "Le Monde", estimant qu'il trouverait "très agressif" s'il devait, en tant qu'actionnaire, souffrir d''une attitude agressive' de la part de la rédaction.

Rodolphe Saadé ne s'est pas embarrassé d'éléments de langage non plus pour faire état de sa déception "quand (il voit) qu'il y a seulement un petit encart dans mes journaux ("La Tribune", "La Tribune dimanche", "La Provence", "Corse Matin") quand mon groupe fait quelque chose de bien", prend soin de souligner le milliardaire qui dit tout haut également apprécier la politique économique d'Emmanuel Macron. "Mais je n'oblige personne à penser comme moi", a immédiatement contrebalancé l'homme d'affaires marseillais qui est dépeint par certains observateurs comme le pendant de Vincent Bolloré version Macron, assurant qu'il n'y a "pas de volonté de (sa part de) peser sur la ligne éditoriale".