Par Ludovic Galtier Lloret Journaliste
Né en Isère entre le tirage de la première boule noire de l'histoire de "Motus" - "Oh-ohohohoh" - et la première visite de candidats à "Fort Boyard", Ludovic Galtier est journaliste à Puremédias depuis octobre 2021. Il est passionné par la politique, l'économie des médias et leur stratégie de programmation.
La nomination, ce vendredi 23 juin 2023, du journaliste, tout juste débarqué de l'hebdomaire d'extrême droite "Valeurs actuelles", est largement contestée au sein de la rédaction du "JDD".

Tout juste nommé, déjà contesté ! Le groupe Lagardère a officialisé, dans un communiqué publié en début de soirée ce vendredi 23 juin 2023, l'arrivée de Geoffroy Lejeune au poste de directeur de la rédaction du "Journal du dimanche". Quelques jours plus tôt, le journaliste avait été évincé d'un poste de direction similaire à "Valeurs actuelles", sur fond de désaccords avec son actionnaire sur la ligne éditoriale, jugée trop à droite, de l'hebdomadaire.

"Geoffroy est un talent brut du journalisme français"

"Geoffroy est un talent brut du journalisme français que nous ne pouvions laisser passer", justifie Arnaud Lagardère, PDG du groupe éponyme, cité dans le communiqué. Ce soutien d'Éric Zemmour à la présidentielle 2022 et proche de Marion Maréchal "aura la mission d'incarner l'excellence journalistique, à savoir : les faits, l'investigation, le devoir d'informer", dixit la direction.

"C'est un immense honneur dans une carrière de journaliste de pouvoir travailler au service d'un titre aussi prestigieux", a réagi dans le même communiqué Geoffroy Lejeune.

Le journaliste succède dans ces fonctions à Jérôme Béglé, lui-même nommé directeur général de la rédaction de "Paris Match", autre titre du groupe Lagardère, dont l'absorption par Vivendi, le groupe du milliardaire ultra-conservateur Vincent Bolloré, vient d'être autorisée sous conditions par Bruxelles.

Une deuxième journée de grève en cours jusqu'à 17h30 ce samedi, Arnaud Lagardère attendu au journal mardi 27 juin

Au sein de la rédaction, la défiance est de mise. Jeudi 22 juin 2023, la révélation par "Le Monde" de la nomination du journaliste de 34 ans avait déclenché une grève des journalistes validée par 99% de la rédaction. La "stupéfaction" était toujours vive ce vendredi avec le vote à la quasi-unanimité de la reconduction, jusqu'à ce samedi 24 juin 2023 à 17h30, du mouvement de protestation une deuxième journée consécutive (81 salariés ont soutenu la grève, trois ont voté contre, et trois personnes n'ont pas souhaité se prononcer).

Par conséquent, pour la première fois depuis 2016, le "JDD" sera absent des kiosques ce dimanche 25 juin 2023. "C'est techniquement impossible de boucler l'édition samedi soir", affirme ce vendredi soir une journaliste au "Monde". Arnaud Lagardère devrait rencontrer la rédaction le mardi 27 juin 2023.

"L'ensemble de la rédaction est écoeurée, personnellement je suis dévasté", a réagi, de son côté auprès de l'AFP, un journaliste du "JDD" qui souhaite rester anonyme. "On est tous ulcérés", abonde une de ses collègues. "Malgré la tenue d'une réunion" vendredi matin "en présence des responsables de la rédaction et du groupe, les informations du 'Monde' n'ont été ni confirmées ni démenties", a du mal à digérer la Société des journalistes du "JDD".

Cette dernière était montée au créneau dès jeudi 22 juin pour s'opposer à la nomination de Geoffroy Lejeune, qui "exprime des idées à l'opposé des valeurs que porte le 'JDD' depuis soixante-quinze ans", avait-elle écrit, rappelant la condamnation de "Valeurs actuelles" pour injure à caractère raciste envers la députée LFI Danièle Obono.

Dans un tweet, publié vendredi 23 juin, Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières s'est ému de la situation. "Bolloré est un spécialiste du découpage à la hache dans les médias qu'il rachète, il l'a assez prouvé, souvenons-nous d'ITélé. Nous nous mobiliserons autant que possible pour éviter un carnage journalistique au 'JDD'. Courage à ses journalistes qui défendent leur indépendance éditoriale et l'honnêteté de l'information", a-t-il écrit.

"Au-delà de la provocation et de la démonstration que l'extrême droite s'installe désormais tranquillement dans les médias, (c'est) une trahison pour l'ensemble de la rédaction et des lecteurs", a estimé, quant à lui, Alain Genestar, directeur de la rédaction du "JDD" de 1987 à 1999.