Par Ludovic Galtier Lloret Journaliste
Né en Isère entre le tirage de la première boule noire de l'histoire de "Motus" - "Oh-ohohohoh" - et la première visite de candidats à "Fort Boyard", Ludovic Galtier est journaliste à Puremédias depuis octobre 2021. Il est passionné par la politique, l'économie des médias et leur stratégie de programmation.
Ariane Lavrilleux a été placée en garde à vue ce mardi 19 septembre 2023. La journaliste d'investigation, dont le domicile a été perquisitionné, avait révélé en 2021 des informations secret défense dans "Complément d'enquête" et "Disclose", qui dénoncent une atteinte à la protection des sources.

"C'est un coup de pression sans précédent", déplore la rédaction de "Complément d'enquête" sur France 2, avec laquelle puremedias.com a pu s'entretenir. A six heures du matin, ce mardi 19 septembre 2023, une perquisition, menée par un juge d'instruction et des policiers de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), a eu lieu pendant dix heures au domicile de la journaliste Ariane Lavrilleux. Cette dernière a par la suite été placée en garde à vue et conduite au commissariat de police de Marseille "dans le cadre d'une enquête pour compromission du secret de la défense nationale et révélation d'information pouvant conduire à identifier un agent protégé, ouverte en juillet 2022".

Des civils tués par l'armée égyptienne avec la complicité de la France

Ariane Lavrilleux avait signé, en novembre 2021 pour le compte de "Disclose", média d'investigation en ligne, et de "Complément d'enquête", un sujet intitulé "France-Égypte : Révélations sur une opération secrète" . Dans cette enquête, remise en ligne ce mardi par France Télévisions et "Disclose", la journaliste d'investigation, documents à l'appui, a révélé ce qui relève de "l'affaire d'État".

Mais "l'enquête ne révèle que les informations d'intérêt général, à savoir que la France participait secrètement à une opération dans laquelle des civils égyptiens ont été assassinés", précise, auprès de puremedias.com, la rédaction de "Complément d'enquête", qui s'inquiète des conséquences d'un tel mode opératoire pour la protection des sources.

"L'objectif est d'identifier nos sources"

Le son de cloche est le même du côté de "Disclose". Le média d'investigation fustige "ce nouvel épisode d'intimidation inadmissible à l'égard des journalistes". "L'objectif est clair : identifier nos sources ayant permis de révéler l'opération militaire Sirli, en Égypte (...), une campagne d'exécutions arbitraires orchestrée par la dictature égyptienne du maréchal Al-Sissi, avec la complicité de l'État français".

Dans un message, posté sur X ce mardi 19 septembre 2023, Reporters sans frontières a également apporté son soutien à Ariane Lavrilleux. RSF "dénonce" son placement en garde à vue "et la perquisition de son domicile et de son matériel informatique pour compromission du secret de la défense nationale". "Nous craignons que les démarches de la DGSI ne portent atteinte au secret des sources", s'inquiète l'ONG.

Le prix Albert-Londres et la Société civile des auteurs multimédia (SCAM) ont posté un message au sens similaire : "Le journalisme d'investigation n'a d'autre projet que de répondre à l'intérêt du public. D'évidence cette garde à vue vise à briser le secret des sources", écrivent-ils.

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Cette perquisition – une première en la matière – survient dans un contexte où les entraves à la liberté d'informer se sont multipliées ces dernières années. "Je suis effarée et inquiète de l'escalade dans les atteintes à la liberté d'informer, et des mesures coercitives prises contre la journaliste de 'Disclose'", a réagi Me Virginie Marquet, avocate d'Ariane Lavrilleux et du média d'investigation.

En décembre 2022, pour rappel, Benoît Collombat, grand reporter à France Inter, Jacques Monin, chef de la cellule investigation de Radio France, et Geoffroy Livolsi, co-fondateur du média d'investigation "Disclose", avaient été convoqués par la DGSI après une enquête sur l'armée française.

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Trois ans plus tôt, la journaliste du "Monde", Ariane Chemin, à l'origine des révélations de l'affaire Benalla, avait, elle aussi, subi le même traitement.