Par Ludovic Galtier Lloret Journaliste
Né en Isère entre le tirage de la première boule noire de l'histoire de "Motus" - "Oh-ohohohoh" - et la première visite de candidats à "Fort Boyard", Ludovic Galtier est journaliste à Puremédias depuis octobre 2021. Il est passionné par la politique, l'économie des médias et leur stratégie de programmation.
''Libération' peut très bien avoir 400 journalistes', selon Dov Alfon © DR
Dov Alfon a réagi au déferlement de critiques à l'encontre de "Libération" à la suite de la publication en Une du journal du 19 octobre d'une vraie photo d'un homme brandissant une image générée par l'intelligence artificielle.

Une vraie photo d'un homme brandissant une fausse photo. En plein conflit entre Israël et le Hamas, le quotidien "Libération" a été accusé d'avoir relayé une fausse information à la Une de son édition du jeudi 19 octobre 2023.

Une photo générée par l'intelligence artificielle

Le journal cinquantenaire a illustré, en effet, le titre "Proche-Orient : Le spectre de l'embrasement" avec la photo d'un participant à une manifestation, organisée au Caire, en Égypte, à la suite de l'explosion survenue dans l'hôpital gazaoui Al-Ahli Arabi. Jusqu'ici, rien de critiquable.

Sauf que l'homme en question tient à bout de bras l'image d'un bébé en larmes dans les gravats qui a été générée par l'intelligence artificielle (IA). Celle-ci "a été partagée à l'occasion des tremblements de terre survenus à proximité de la frontière entre la Syrie et la Turquie au début du mois de février 2023", a pu vérifier "CheckNews", la publication spécialisée dans la vérification des faits éditée par "Libération".

La Une de 'Libération' du jeudi 19 octobre 2023.

Autrement dit, "Libération" a publié une photo d'un événement qui s'est bel et bien déroulé – elle a été prise par un journaliste d'Associated Press le mercredi 18 octobre 2023 dans les rues de la capitale égyptienne – mais qui contient en son sein une image, qui en plus d'être sans aucun lien avec l'actualité du moment, n'est que pure invention. Elle a aussi été relayée par de nombreux internautes pro-palestiniens pour dénoncer les bombardements de Gaza, qui ont eu lieu après l'attaque du Hamas contre Israël.

Ni Associated Press, ni "Libération" n'ont mentionné qu'il s'agissait d'une fausse photo en légende

Critiqué, donc, pour son choix de photo de Une, le directeur de la publication de "Libération, Dov Alfon s'en est expliqué auprès de "CheckNews". "Cette photo de l'agence Associated Press représente justement 'le spectre de l'embrasement', notre titre sur cette une. Le centre de la photo est le manifestant en colère, pour qui la vérité importe peu", se défend-il.

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Avant de donner son avis sur la question de fond : "Certains suggèrent que la vérification de ces pancartes devrait être la mission des services de fact-checking des journaux ou de l'agence photographique. Cela me semble être une bien mauvaise utilisation de nos ressources", proteste-t-il.

"Rappelons que le même jour, huit journalistes de 'Libération' se sont plongés dans les images de la tragédie de l'hôpital Al-Ahli Arabi à Gaza, nous permettant d'apporter à nos lecteurs dans le même journal toutes les preuves qui nous permettaient de pointer une roquette défaillante comme source de l'explosion plus probable qu'une bombe israélienne. Basé sur l'examen de plus de vingt sources iconographiques et publié en un temps record, ce genre de travail journalistique nous semble plus important que la vérification de fakes de propagande", estime Dov Alfon.

Il n'empêche que la compréhension du lecteur de "Libération" a pu être altérée. Rien ne contredit par exemple l'idée selon laquelle l'image de ce bébé que l'on voit sous les gravats a été prise dans les débris de l'hôpital de Gaza. "Aurait-il fallu, alors, mentionner en légende le fait que l'homme sur la vraie photo brandissait une fausse image ?", s'interroge "CheckNews" dans un intéressant exercice d'autocritique. "Probablement oui", admet Dov Alfon, qui conclut que "la légende de l'agence AP ne l'a pas mentionné, soit par omission soit par manque de temps, et nous de même. C'est évidemment regrettable".