Par Tom Kerkour Journaliste
Ayant grandi à l'heure où YouTube empiète sur le petit écran, Tom Kerkour savoure autant un épisode de "Cauchemar en cuisine" que du Joueur du Grenier. Captivé par le bouleversement des médias à l'ère digitale/numérique, il intègre la rédaction de Puremédias en décembre 2022.
France Télévisions présente son nouveau journal de la météo et du climat © Abaca
Dans un courrier adressé à Élisabeth Borne, TF1, M6, Canal+ et Altice ont dénoncé ce qu'ils estiment être une concurrence déloyale de la part du service public. Un argumentaire que le groupe de Delphine Ernotte veut remettre en perspective.

Surprise et agacement. Jeudi soir, les cadres de France Télévisions ont découvert l'existence d'un courrier adressé à Élisabeth Borne, rédigé par l'Association des chaînes privées (ACP) qui regroupe TF1, M6, Canal+ et les chaînes d'Altice. Dans ce document révélé par "Le Figaro", les chaînes commerciales dénoncent ce qu'elles estiment être de la concurrence déloyale de la part du service public.

Ce vendredi 12 mai, France Télévisions a tenu une réunion d'urgence pour répondre à l'attaque directe de ses concurrentes privées. Au terme de celle-ci, le groupe de Delphine Ernotte a décidé de prendre sa défense. Dans un document consulté par puremedias.com, le groupe adresse point par point les questionnements soulevés, dénonçant des "arguments fallacieux mis en avant dans le courrier adressé à la Première ministre".

Un cahier des charges "scrupuleusement" respecté

Premier point de discorde, la question du cahier des charges. Dans leur courrier, les chaînes ont regretté que France Télévisions voit ses obligations établies au niveau du groupe, alors qu'elles doivent établir des conventions au cas par cas avec l'Arcom. Elles ont laissé sous-entendre que cette souplesse était utilisée pour décharger le vaisseau-amiral France 2 de ses obligations de service public. France Télévisions réfute, assurant "remplir scrupuleusement l'ensemble des obligations liées au cahier des charges".

Alors que l'écart entre TF1 et France 2 s'est resserré, la chaîne semble cristalliser les tensions. Du côté de l'ACP, on trouve que la grille de cette chaîne bénéficie d'une "programmation étonnamment commerciale". A l'inverse, chez France Télévisions, on félicite une "dynamique sans précédent qui alimente la fébrilité" des concurrentes, tout en insistant sur la "distinction" avec les chaînes privées. Une progression qui s'est faite alors que le coût de grille a baissé de 60 millions d'euros. "Sur la même période, le coût de grille de TF1 a quant à lui augmenté de trois millions d'euros", tacle le groupe public. "Les économies réalisées sur les dépenses de programmes de France 2 n'ont pas réduit son ambition de service public car ses missions essentielles ont au contraire progressé".

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Contre-attaque

Après avoir fourbi ses arguments pour rassurer Matignon, l'entreprise de Delphine Ernotte a décidé de frapper là où ça fait mal, visant principalement TF1 et M6 : l'âge des téléspectateurs, souvent utilisé pour critiquer leurs antennes, notamment France 3. "En tenant compte de la couverture hebdomadaire, l'âge moyen du téléspectateur de France 2 est de 51 ans tandis que celui des chaînes TF1 et M6 est de 47-48 ans". La progression du service public ne serait donc pas uniquement un phénomène mécanique lié au vieillissement de l'audience de la télévision.

Un bon connaisseur du secteur s'est épanché auprès de puremedias.com sur l'aspect "bien préparé" du courrier de l'ACP. Les chaînes privées ont attendu le bon moment pour frapper, l'audiovisuel public étant en pleine négociation avec son actionnaire, l'État, pour la mise en place de son contrat d'objectifs et de moyens. Du côté de France Télévisions, un cadre expliquait plus tôt cette semaine à puremedias.com que les chaînes, notamment TF1, cherchaient à préparer le terrain en vue d'une année 2024 difficile, les Jeux olympiques allant faire briller leurs antennes.